Page:Aulnoy - Contes des Fées (éd. Corbet), 1825.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
GRACIEUSE

rable où vous vivez sous la tyrannie de Grognon. » La princesse reconnaissante se jeta à ses genoux, et lui dit qu’elle pouvait ordonner de sa destinée, et qu’elle lui obéirait en tout ; qu’elle n’avait pas oublié la prophétie de Percinet lorsqu’elle partit du palais de féerie, quand il lui dit que ce même palais serait parmi les morts, et qu’elle n’y entrerait qu’après avoir été enterrée ; qu’elle voyait avec admiration son savoir, et qu’elle n’en avait pas moins pour son mérite ; qu’ainsi elle l’acceptait pour époux. Le prince se jeta à son tour à ses pieds ; en même temps le palais retentit de voix et d’instrumens, et les noces se firent avec la dernière magnificence. Toutes les fées de mille lieues à la ronde y vinrent avec des équipages somptueux ; les unes arrivèrent dans des chars tirés par des cygnes, d’autres par des dragons, d’autres sur des nues, d’autres dans des globes de feu. Entre celles-là parut la fée qui avait aidé Grognon à tourmenter Gracieuse ; quand elle la reconnut, l’on n’a jamais été plus surpris ; elle la conjura d’oublier ce qui s’était passé, et lui dit qu’elle chercherait les moyens de réparer les maux qu’elle lui avait fait souffrir. Ce qui est de vrai, c’est qu’elle ne voulut pas demeurer au festin ; et que remontant dans son char attelé de deux terribles serpens, elle vola au palais du roi. En ce lieu elle chercha Grognon, et lui tordit le cou, sans que ses gardes ni ses femmes l’en pussent empêcher.