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LE RAMEAU D’OR

et un fromage à la crème. Sans-Pair courut dans sa cabane ; il en apporta des fraises, des noisettes, des cerises et d’autres fruits, tous entourés de fleurs ; et pour avoir lieu de rester plus longtemps auprès de Brillante, il lui demanda permission d’en manger avec elle. Elle le voyait avec un plaisir extrême ; et quelque froideur qu’elle affectât, elle sentait bien que sa présence ne lui serait point indifférente.

Lorsqu’il l’eut quittée, elle pensa encore longtemps à lui, et lui à elle. Il la voyait tous les jours, il conduisait son troupeau dans le lieu où elle faisait paître le sien, il chantait auprès d’elle des paroles passionnées : il jouait de la flûte et de la musette pour la faire danser. Mais comme Brillante s’appliquait à fuir Sans-Pair, un jour qu’il avait résolu de lui parler, il prit un petit agneau, qu’il enjoliva de rubans et de fleurs ; il lui mit un collier de paille peinte, travaillé si proprement, que c’était une espèce de chef-d’œuvre ; il avait un habit de taffetas couleur de rose, couvert de dentelles d’Angleterre, une houlette garnie de rubans, une panetière ; et en cet état tous les Céladons du monde n’auraient osé paraître devant lui. Il trouva Brillante assise au bord d’un ruisseau, qui coulait lentement dans le plus épais du bois ; ses moutons y paissaient épars ; la profonde tristesse de la bergère ne lui permettait pas de leur donner ses soins. Sans-Pair l’aborda d’un air timide ; il lui présenta le petit agneau. Mais Brillante s’éloigna. Le prince désespéré voulut la suivre ; mais sa douleur devint si forte, qu’il tomba sans connaissance au pied d’un arbre.

Brillante ne put s’empêcher de tourner plusieurs fois la tête, pour regarder s’il la suivait ; elle l’aperçut tomber