demi-mort : elle l’aimait, et elle se refusa la consolation de le secourir.
Depuis qu’elle avait été transportée dans ces lieux, elle avait entendu parler d’un célèbre enchanteur, qui demeurait dans un château qu’il avait bâti avec sa sœur aux confins de l’île : on ne parlait que de leur savoir ; et sans en rien dire à sa charitable hôtesse, elle se mit en chemin. Elle ne s’arrêtait ni jour ni nuit ; elle ne buvait ni ne mangeait, tant elle avait envie d’arriver au château pour guérir de sa tendresse.
Elle continua son chemin vers le château ; elle y parvint, et elle y entra sans obstacle. Elle traversa plusieurs grandes cours, où l’herbe et les ronces étaient si hautes qu’il semblait qu’on n’y avait pas marché depuis cent ans ; elle les rangea avec ses mains, qu’elle égratigna en plus d’un endroit. Elle entra dans une salle où le jour ne venait que par un petit trou : elle était tapissée d’ailes de chauves-souris. Il y avait douze chats pendus au plancher, qui servaient de lustres, et qui faisaient un miaulis à faire perdre patience ; et sur une longue table, douze grosses souris attachées par la queue, qui avaient chacune devant elles un morceau de lard, où elles ne pouvaient atteindre ; de sorte que les chats voyaient les souris sans les pouvoir manger ; les souris craignaient les chats, et se désespéraient de faim près d’un bon morceau de lard.
La princesse considérait le supplice de ces animaux, lorsqu’elle vit entrer l’enchanteur avec une longue robe noire. Il avait sur la tête un crocodile qui lui servait de bonnet ; et jamais il n’a été une coiffure si effrayante. Ce vieillard portait des lunettes, et un fouet à la main d’une