Page:Aulu-Gelle - Œuvres complètes, éd. Charpentier et Blanchet, 1919, I.djvu/338

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clémence et la compassion des juges, autres les règles que devra ^suivre, au sein d'une délibération publique, un homme investi, d'une autorité imposante, irrité d'entendre les propositions les plus injustes, lorsque, élevant la voix pour l'utilité commune et pour le salut des alliés, il s'exprime avec une noble liberté in- spirée par l'indignation et la douleur. Quand on parle devant des juges appelés à décider du sort d'autrui dans une cause qui leur est étrangère, et dans laquelle, sans crainte comme sans espé- rance pour eux-mêmes, ils n'ont qu'à s'acquitter des devoirs de leur charge, les rhéteurs, dans leurs écoles, donnent certainement un précepte juste et utile, en recommandant de se condiier les juges, de se les rendre propices, et, par des expressions flat- teuses, insinuantes et douces, de leur inspirer pour l'accusé des sentiments d'estime, et le désir de le sauver. Mais lorsqu'il s'agit de la dignité, de l'honneur et de l'intérêt public, lorsqu'il faut faire adopter ou rejeter une résolution, l'orateur qui, dans ce cas, s'occupe dans Texorde de préparer ses auditeurs à la bien- veillance et à la bonté, perdra son temps en paroles inutiles. Depuis longtemps, en effet, les affaires, les dangers communs ont dû préparer les esprits à recevoir des conseils, et ce sont bien plutôt les auditeurs qui réclament la bienveillance de. l'orateur.