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AU SPITZBERG.

Qu’il vous suffise de savoir que je me trouvai dans un lieu grand comme un théâtre de la banlieue, obscur comme une cave, où des danseurs de corde, inférieurs à ceux de la foire, déployaient leurs talents. Voilà où en est l’art dramatique dans la capitale du Drontheimus, dans la noble et antique Nidards[1], dans cette ville reine de la Scandinavie, seule digne encore aujourd’hui de couronner les souverains de la Norwége.

La veille du jour où je devais quitter Drontheim et m’embarquer pour Hammerfest, on me conseilla de faire une excursion aux cascades de Leerfoss, situées à quelques lieues de la ville. Je partis donc de grand matin, malgré une petite pluie fine et froide d’assez mauvais augure. Autour de Drontheim, les routes sont faites d’après le système russe, avec des troncs de sapins posés à côté les uns des autres et formant un plancher grossier et inégal ; comme les arbres ne sont même pas équarris, on est secoué de la plus rude manière ; lorsqu’on rencontre des endroits où les arbres sont pourris, on a alors à traverser de véritables fondrières, et le fatigant se transforme en dangereux. Lorsqu’on arrive à Leerfoss, la vue de la cascade paye bien des cahots du trajet. Représentez-vous une rivière entière tombant en une seule nappe de plus de quatre-vingts pieds de haut, et venant se briser au milieu de rochers de basalte noir, contre lesquels elle bouillonne avec une rage magnifique. Les impassibles rochers lui présentent leurs dos arrondis, rendus par l’eau luisants

  1. Ancien nom de Drontheim.