Page:Aunet - Voyage d’une femme au Spitzberg, 1872.pdf/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
AU SPITZBERG.

ger et leur coffre-fort. Un jour j’obtins d’un Lapon de vider cette précieuse réserve devant moi ; il en tira un couteau, un grand vieux pistolet sans chien auquel il paraissait attacher la plus grande importance, quatre spécies[1], du tabac à fumer (je n’en ai vu aucun priser), une boîte d’écorce de bouleau remplie de beurre de lait de renne, un morceau de poisson fumé et toute une provision de petit foin destiné à remplacer celui de sa chaussure dans le cas où il l’aurait mouillé ; je dois ajouter, malgré l’inélégance du détail, que ce foin lui avait déjà servi à cet usage. D’après cet aperçu, vous pouvez comprendre qu’il s’exhale d’ordinaire de ces sacs une odeur prodigieusement repoussante.

Au milieu de toutes ces laideurs, une chose pleine d’un goût charmant s’offre aux yeux du voyageur. Cette chose, c’est le berceau des petits enfants : tout le luxe, toute la poésie du pauvre Lapon s’est réfugiée là, la tendresse maternelle a su rencontrer l’élégance ; le cœur rempli d’un doux sentiment a su créer le gracieux. L’enfant lapon est placé dans un objet qui tient à la fois du meuble, du vêtement et du nid. Ce berceau, fait de bois léger recouvert de cuir, a la forme d’un soulier très-rond d’un bout, l’empeigne servant de rebord tout autour et la capote s’arrondissant au-dessus de la tête de l’enfant et le protégeant sans le gêner. On double cette légère armature de plusieurs épaisseurs de la fourrure de ces jolis lièvres blancs comme le duvet d’un cygne, et, pour que la

  1. Monnaie norwégienne valant à peu près cinq francs quinze centimes de France.