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VOYAGE D’UNE FEMME

compensation au triste état où me mettaient les complications du tangage et du roulis. Je m’y fis pourtant, et le quatrième jour je me sentis assez forte pour monter sur le pont et aller voir quel aspect a la mer par 74° de latitude, sous lequel nous nous trouvions le 20 juillet. Elle m’apparut belle et terrible ; ce n’était plus ma berceuse d’Havesund. Les vagues grondaient autour de nous en se précipitant sur notre avant comme si elles avaient tenté de nous barrer le passage ; un vent glacé tordait les cordages et secouait rudement les voiles ; les mâts craquaient sous l’effort de leur résistance ; la corvette allait couchée sur un côté, orientée grand largue, ce qui est une manière de placer les voiles un peu de biais, très-favorable à la marche. Tout le monde était content, nous avancions rapidement. Je jetai un coup d’œil curieux sur ce spectacle si nouveau pour moi, puis je redescendis afin de faire appel à ma réserve de flanelle pour pouvoir continuer mon rôle d’observateur ; car en quelques minutes, malgré le costume d’homme que j’avais endossé et qui paraît d’ordinaire si chaud aux femmes, j’avais senti trop vivement la dent aiguë de la bise polaire.

Tandis que nous subissions ces coups de vent et ce fatigant roulis, nous cherchions l’île Cherry. Elle nous apparut le 21 juillet au matin.

L’île Cherry, que beaucoup de géographes nomment Beeren-Eiland (l’île de l’Ours), fut découverte le 9 juin 1596, par un vaisseau hollandais qui s’était égaré en allant à la Nouvelle-Zemble. Guillaume Barentz était pilote de ce navire, et Heemskerke le commandait : deux noms fameux parmi ceux des