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AU SPITZBERG.

de la symétrie froide et de la régularité ennuyeuse. Par moments une porte entr’ouverte me laissait apercevoir l’intérieur de quelque cuisine propre, lavée, rangée, brillante, comme on n’en voit, à Paris, qu’au Louvre, dans les tableaux hollandais.

Dans ce pays, où on doit vivre si bien, on voyage fort mal ; les voitures publiques sont détestables, et, si les routes n’étaient pas unies comme des allées de jardin, on serait brisé au bout de deux lieues. De Dortrecht à Delft, on traverse un paysage de Paul Potter, des prairies à perte de vue, coupées de temps en temps par un canal étroit où se réfléchit le ciel. Lorsque nous passâmes, quelques cigognes cendrées, immobiles sur une patte, nous regardèrent sans s’envoler ; de belles vaches blanches, à taches rousses, se couchaient en ruminant dans les hautes herbes ; une brise à peine sensible nous apportait la saveur fraîche et salée de la mer, et le soleil s’abaissait lentement derrière un voile de vapeurs pourprées ; il régnait sur cette nature un calme puissant, contagieux pour l’âme, et, tandis que la voiture roulait sans bruit et que mes compagnons de voyage se laissaient aller à une agréable somnolence, je me rappelai ces charmants vers de Richard Howitt :


« The birds were hushed, the flowers were closed,
« The kine along the ground reposed.
« All active life to gentle rest
« Sank down, as on a mother’s breast ! »

L’oiseau faisait silence et les fleurs se fermaient ;
Les vaches doucement se couchaient sur la terre.
La nature et la vie ensemble s’endormaient
D’un paisible sommeil, comme au sein d’une mère !