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VOYAGE D’UNE FEMME

Et je m’abandonnai à une rêverie profonde comme cet horizon infini, douce comme ce beau paysage.

Nous avons traversé Delft très-rapidement à la nuit noire, et je n’ai pu distinguer autre chose que les étincelles de toutes les pipes fonctionnant devant toutes les portes. À la Haye, je me suis logée près d’un grand canal, sur un quai nommé le Spui. Le lendemain matin, un grand tapage de brosses et de balais allant et venant au-dessus de ma tête m’a obligée à me lever de bonne heure, malgré ma fatigue. Le bruit de l’eau que j’entendais fouetter contre mes vitres me fit croire qu’il pleuvait à torrents ; en regardant, je fus rassurée : ce n’était pas de la pluie, mais tout simplement les ménagères du voisinage et les servantes du logis qui, à l’aide de pompes portatives, inondaient l’extérieur des maisons afin de le nettoyer, et produisaient un déluge factice.

On m’avait beaucoup parlé de la propreté des Hollandaises ; néanmoins, elle m’a paru fabuleuse ; il n’est pas jusqu’aux crémaillères, jusqu’aux plaques des cheminées, aux clous des portes et aux grattoirs pour les pieds, qui ne soient brillants comme des bijoux d’acier ; ces gens-là n’ont pas le goût de la propreté, ils en ont le culte. Les femmes sont sans cesse à laver, gratter, brosser, ranger, fourbir, balayer ou écurer ; elles ne font pas autre chose. À les juger sur la mine, peut-être s’acquitteraient-elles moins bien de ce qui serait moins mécanique. Les femmes dispensées par leur position de fortune de prendre une part active à la lessive générale et perpétuelle de leur habitation ne manifestent pas grand goût pour les jouissances intellectuelles ; leur vie se