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AU SPITZBERG.

du berger avec leur chien est ignorée en Laponie. Les Lapons tiennent donc à leurs chiens par je ne sais quel motif superstitieux, dont on trouverait la source dans quelque croyance du paganisme, encore mal étouffé chez certains d’entre eux. Heureusement nous avions en suffisante quantité le nerf de toutes les heureuses transactions, l’argent, et nous avions eu la précaution d’en emporter en nature et non en bons de papier, monnaie courante de toute la Norwége, beaucoup moins appréciée par les Lapons, quoiqu’ils en connaissent très-bien la valeur. La vue des species fit fléchir, non sans combats, tous les scrupules, et l’on nous céda une petite chienne noire, encore toute jeune, qui, dès les premiers moments, se familiarisa fort bien avec nous.

Comme nous remontions à cheval, la femme de notre vendeur survint et parut lui administrer une mercuriale sévère pour avoir vendu un de leurs chiens ; l’homme la laissait dire, absorbé par la contemplation des trois species, qu’il retournait dans ses doigts avec un air de béatitude infinie, songeant sans doute au moment où il irait en grossir sa cachette à l’argent. Presque tout Lapon a une épargne, un trésor gros ou petit, formé de toutes les pièces d’argent qu’il a pu réunir ; souvent lui seul connait la place où est enfouie sa richesse, et il meurt en frustrant ses enfants d’une partie de son héritage. Cette habitude se rattache aussi à une superstition. Leur ancienne religion leur faisait croire qu’ils pourraient se servir dans l’autre monde des biens amassés ici-bas.

Nous quittâmes ce campement, après une halte de deux heures, fort intéressés par ce que nous avions