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VOYAGE D’UNE FEMME

observé par nous-mêmes des mœurs des Lapons, et très-enchantés de nos deux conquêtes : le renne mort et le chien vivant. Cette journée se passa assez agréablement pour nous, car la pluie ne revint pas et le terrain se maintint relativement fort bon ; aussi le soir étions-nous dans les meilleures dispositions possibles pour faire honneur à notre beau rôti. Ce repas fut pour moi non-seulement une jouissance, mais un baume réparateur ; depuis mon départ de Kaafiord, ma santé s’altérait de jour en jour ; j’étais atteinte d’une irritation d’estomac qui m’avait obligée à renoncer au thé, au café, au vin, ces précieuses ressources du voyageur, et j’avais dû me mettre au régime de la soupe de biscuit pour toute nourriture. Vous pouvez penser quelle excellente diversion me procura une tranche de filet de renne convenablement grillée.

Le lendemain de cette journée si bien remplie vit se renouveler nos tribulations les plus pénibles ; la pluie revint drue et forte, et tomba pendant quatorze heures avec une intensité inouïe ; si nos vivres n’avaient été strictement mesurés pour le temps de notre voyage, nous ne nous fussions pas mis en route par cet épouvantable déluge ; mais nos jours étaient comptés, il fallait avancer à tout prix. On partit, et on s’en repentit bientôt ; nous nous trouvions avoir à traverser une suite des plus vastes marécages que nous eussions encore rencontrés. Que vous dire ? nous étions dans une plaine de vase resserrée entre des collines et des torrents ; le sol absolument détrempé offrait çà et là de petits monticules vacillants, sur lesquels il fallait tenter de poser les pieds. Sou-