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AU SPITZBERG.

tendre un mugissement fort effrayant ; cependant nous avancions toujours dans la même direction ; un cri d’effroi allait sortir de notre bouche ; nous nous voyions au sommet de la chute d’eau, nous allions être broyés, lorsque, par une manœuvre adroite et rapide, notre pilote, faisant tourner l’embarcation sur elle-même, la lança dans un petit bras du fleuve que nous n’avions pas encore aperçu ; en abordant, il nous adressa un sourire malin, où je crus lire qu’il avait voulu nous donner une preuve de son talent en éprouvant notre courage.

À quelques portées de fusil de l’Alten, nous retrouvâmes nos guides et nos chevaux. Les hommes s’étaient mis à l’abri dans une hutte grossière faite de troncs d’arbres et calfatée de mousse ; nous y entrâmes aussi dans l’espoir de sécher un peu nos vêtements ; mais tous les efforts pour allumer du feu restèrent sans résultat ; la pluie tombait à flots du haut du toit et s’y opposa constamment. Cette cabane délabrée et abandonnée est le seul vestige humain que nous aperçûmes au lieu nommé Kalanitoe ; elle sert, me dit-on, d’asile aux Lapons dans leurs excursions de chasse.

Cette journée du 10 septembre, commencée sous de si tristes auspices, fut encore affreuse. Je ne reviens pas sur nos désastres de chevaux qui enfoncent, de chutes dans la boue, de vêtements collés sur le corps, vous devez être familiarisé avec tout cela ; à la nuit on ne put trouver d’élévation pour camper ; on s’arrêta sur une sorte d’île au milieu d’un marais. Personne ne put ni se réchauffer ni dormir, car la pluie continua toute la nuit avec un