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AU SPITZBERG.

que moi ont savamment parlé de toutes ces œuvres merveilleuses, et je vous renvoie à eux. Pourtant, puisque vous me demandez toutes mes impressions, je vais vous citer ce qui m’a accrochée, comme on dit en style d’atelier.

Un Gérard Dow d’abord ; une espèce de tour de force réussi de ce maître, pour qui la patience fut le génie ; une petite scène d’intérieur éclairée simultanément par la lune, par une lanterne et par un feu de cheminée ; ces diverses lumières sont rendues d’une façon à la fois distincte et harmonieuse, qui est le comble de l’habileté. En vérité, ce petit tableau est une gageure contre l’impossible, et une gageure gagnée.

Ensuite je suis restée clouée plus d’un quart d’heure devant la Ronde de nuit de Rembrandt. Cela représente tout simplement une patrouille de bourgeois à Gand : des visages communs, des costumes sombres, une action vulgaire, – un ensemble sublime, — c’est la nature plus l’art. Il y a une haleine dans chaque poitrine et le souffle puissant d’un grand génie dans l’œuvre. Cela s’élève au niveau de la Leçon d’anatomie, et ces deux tableaux valent à eux seuls qu’on fasse le voyage pour les voir. Dans ce même musée, on garde la page capitale de l’école hollandaise : un immense tableau de Wander-Hest, un peintre que nous connaissons trop peu, nous autres Français. Cette fois, Wander-Hest a peint un Repas d’échevins. Douze ou quinze hommes sont réunis autour d’une grande table chargée de mets, dans les attitudes les plus naturelles ; les figures, largement dessinées, vivent de la vie réelle ; elles sor-