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VOYAGE D’UNE FEMME

nos lettres de recommandation, malgré ce qui eût dû le toucher, le triste état où nous avaient mis nos longs jours de bivouac, il nous accueillit de l’air rogue d’un homme important qu’on dérange. Le bonnet sur la tête, la pipe à la bouche, il nous fit donner de mauvaise grâce une chambre et ne s’occupa plus de nous.

Cet homme, parce qu’il écorche le latin et possède la très-restreinte flore de Laponie, se croit un personnage ; il prend des poses d’homme supérieur et affecte le langage dédaigneux ; il montre en tout une vanité de son mérite fort en désaccord avec le caractère dont il est revêtu. Autant je me sens de respect et d’admiration pour ces vénérables prêtres dont je vous ai parlé, autant j’éprouvai d’éloignement pour la fausse dignité de cet ours mal léché. Je ne trouvai chez lui ni les soins ni l’accueil qui m’étaient dus, ni même cette vulgaire compassion que le pitoyable état de ma santé inspirait aux Lapons. Cet hôte rébarbatif nous fournit de la paille hachée pour lit, des galettes d’orge, un poisson du fleuve et des navets, et, pour compléter la mauvaise opinion qu’il nous avait donnée de lui, nous fit payer le tout fort cher.

Il neigeait, je crois vous l’avoir dit, et je vis avec intérêt, le lendemain de notre arrivée à Karesuando, atteler les rennes aux traîneaux. Le renne est attaché à ce petit traîneau sabot dont je vous ai parlé par une longe qui, lui passant sous le ventre entre les jambes, rejoint un collier de cuir recouvert de drap, placé à la naissance des épaules ; le collier, souvent assez habilement brodé en fil d’étain, est entouré d’une multitude de petites sonnettes. Ce bruit plaît, dit-on, au