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VOYAGE D’UNE FEMME

leur faiblesse ; ignorantes des périls, elles arrivent sans secousses au terme de leur voyage en ce monde, tandis que d’autres, fortes et courageuses, se brisent dans leur lutte contre d’invincibles obstacles !

Dans sa partie septentrionale les bords du Muonio sont déserts ; rarement aperçoit-on une fumée, indice d’une cabane, et les fermes où l’on couche sont séparées par de grandes distances. Toute cette province est fort pauvre ; pourtant on rencontre dans les habitations finlandaises le premier symptôme de civilisation : la propreté. Lorsque nous nous arrêtions le soir, nous trouvions dans quelque vaste salle, carrelée de pierres grises bien lavées, de longues tables couvertes de vases pleins de lait, et dans un coin, se dressant fièrement, comme la reine du logis, une large et haute cheminée où brûlaient des sapins presque entiers posés verticalement ; cette façon de placer le bois avive singulièrement la flamme et lui fait jeter dans la salle des lueurs joyeuses bien douces aux yeux du voyageur fatigué. La plupart du temps le lit où l’on dort dans ces fermes se compose de paille hachée posée sur des planches ; mais en revenant de Laponie on n’est pas difficile, et le confort parait suffisant dès qu’on a le bonheur de reposer sur une place sèche abritée par un toit. La navigation au milieu des rapides n’est pas sans dangers ; mais ils sont heureusement conjurés par l’habileté du pilote et des rameurs ; il faut à ceux-ci une force prodigieuse pour ramer sans relâche avec une rapidité qui, pour maîtriser le flot, doit être double de celle du courant. La manœuvre du pilote,