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AU SPITZBERG.

La tradition seule a conservé les runas finlandaises et les transmet de génération en génération, en les altérant ou en les embellissant. Mais, outre cette poésie primitive restée à l’état flottant dans les cerveaux, l’esprit du peuple est tourné vers la poésie ; il l’aime, la goûte et s’y essaye parfois avec bonheur ; les femmes semblent en particulier y réussir, et quelques-unes de leurs productions sont regardées par ceux qui les comprennent dans leur langue comme des modèles de simplicité et d’harmonie.

La poésie finlandaise emploie encore aujourd’hui le vers runique de préférence au vers rimé ; ce vers des anciens bardes se compose de huit syllabes sans hémistiche et sans rime et à la forme allitérative. En d’autres termes, il recherche la répétition de la même consonne commençant un mot deux fois dans chaque vers ; répéter la consonne sur les deux premiers mots du vers ou la placer plus de deux fois dans le vers, est considéré comme une richesse.

Pour bien faire comprendre mon explication, peut-être obscure, à des esprits habitués à une autre forme et à une autre harmonie, je citerai pour exemple ce vers si connu :

Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?


qui offre par la répétition fréquente de la consonne un excellent vers allitératif.

On m’a donné la traduction en prose d’une chanson de nourrice, très-populaire en Finlande ; j’ai essayé de la mettre en vers français, tout en lui conservant autant que possible sa forme allitérative.