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AU SPITZBERG.

une église de bois peint a toujours un faux air de joujou infiniment déplaisant. Au coin d’une rue étroite, dans une sorte d’échoppe basse et sombre, s’ouvrant comme une caverne sous une vieille maison, j’aperçus, derrière des vitres troubles, quelques volumes fraichement brochés ; cela me ravit : je voyais un libraire ! J’ai donc rencontré à Sundswall des fruits, une douceur de la vie matérielle ; et des livres, une jouissance de la vie intellectuelle. Ces quelques lieues faites chaque jour, depuis deux mois, m’avaient enfin assez rapprochée des pays heureux pour que je pusse sentir, dans cette petite ville de Suède, les lointains rayons de ces deux astres qu’on appelle le soleil et la pensée.

Non loin de Sundswall, on entre dans la province de Gestrikland, une des plus belles de la Suède ; le sol apparait alors plein de fertilité, le feuillage touffu des chênes se mêle heureusement aux pyramides sombres des sapins : ce sont les chênes les plus septentrionaux de la Suède ; ce bel arbre ne pousse plus au delà du 63e degré de latitude nord. Gèfle, capitale de la province, est une ville plus riante que Sundswall ; elle est aussi un point important et prospère de la Suède : elle était pour moi le point important où je devais trouver mes caisses. Dès mon arrivée à l’hôtel, je m’empressai de faire déballer au plus vite une toilette complète, afin de quitter mon costume hybride et affreux. Ici, je dois le confesser dans toute la faiblesse de ma nature féminine, j’éprouvai un très-grand plaisir à mettre une jolie robe fraiche, à grands volants, et un chapeau de crêpe bien léger, bien couvert de fleurs, plein de cette grâce dont nos