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VOYAGE D’UNE FEMME

nous fit revêtir une grande robe de laine à pèlerine, un chapeau de feutre à larges ailes et des bottes fortes ; ainsi accoutré, on a plutôt l’aspect d’hérétiques recouverts du san benito et marchant au supplice aimé de l’inquisition, que de gens du monde curieux ; mais on est sur de préserver ses vêtements des brûlures des acides qui suintent sans cesse le long des parois humides. Cinq mineurs mal vêtus, à la physionomie souffrante, pâles sous la poussière noire qui les couvrait, nous furent donnés pour guides ; l’un d’eux portait une énorme brassée de bûchettes de sapin : c’était notre provision de lumière. Ces bûchettes, réunies dans un anneau de cuivre, se tiennent commodément allumées à la main et répandent une clarté au moins égale à celle d’une torche. Nous primes chacun notre torche et, entourés de nos cinq hommes, nous commençâmes à descendre. L’escalier des mines est taillé dans le sein même de la colline ; il n’est recouvert d’aucun revêtement ; le plus souvent de simples traverses de bois retiennent la terre et forment les marches. À gauche on a le flanc de la montagne, à droite une légère barrière derrière laquelle on devine des gouffres. Par moments on descend entre deux murailles rapprochées ; mais cela dure peu, et bientôt après on côtoie de nouveau les précipices. Quand l’œil s’est habitué à la faible clarté des torches, on distingue au-dessous de soi les mares d’eau noire et huileuse formées du continuel suintement des voûtes ; cet escalier inégal et humide est parfois remplacé par des sentiers en pente, rapides, glissants et dangereux. Si on rencontre une galerie exploitée et épuisée, sen-