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VOYAGE D’UNE FEMME

vrirent devant moi avec l’empressement le plus flatteur. Je me trouvai là comme chez moi, tout le monde parlant français ; des manières nobles et affables, un esprit de conversation vif et varié, des femmes jolies et élégantes, une France enfin à cinq cents lieues de la France : plusieurs de nos villes de province sont assurément plus loin de Paris que certains quartiers de Stockholm. J’aurais bien volontiers passé deux mois au milieu de toute cette bonne compagnie ; mais malheureusement l’hiver n’attend personne ; il fallait partir ou rester jusqu’au mois de mai, à cause des glaces de la Baltique. Je partis donc, au bout d’une semaine, malgré de vives instances, malgré les attrayants récits des plaisirs que l’hiver amène dans la capitale du Nord : courses en traîneaux, chasses aux flambeaux, bals éblouissants. Je partis, non sans regrets, et emportant de cette charmante société suédoise le souvenir le plus sympathique.

C’était vraiment grand dommage de courir si vite en quittant Stockholm ; car je devais, pour gagner le port d’Ystad, traverser les plus belles provinces de Suède : la fertile et héroïque Dalécarlie, la Sudermanie aux beaux lacs, la Scanie aux côtes heureuses. Nous ne nous arrêtâmes même pas pour dormir ; de temps en temps j’apercevais sur le pas d’un gaards rustique quelques-uns de ces blonds Dalécarliens qui, avec leurs grands chapeaux, leurs longs cheveux, leurs bas rouges, leurs souliers carrés à hauts talons, leurs braies larges, m’ont l’air de gentilshommes de la cour de Louis XIII devenus paysans sans avoir cessé d’être élégants.