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VOYAGE D’UNE FEMME

Je me suis promenée une partie du jour dans mon voisinage. J’ai vu beaucoup de ballots de drap, de caisses de savon, de couffes de café ; mais nul souvenir de la courageuse ville libre du moyen âge ne perçait sous la physionomie commerçante et moderne des rues. Hambourg faisait partie de cette formidable hanse, qui comptait autrefois soixante-dix villes libres ; elle est une des quatre qui ont résisté aux empiétements des royaumes voisins et ne se sont pas laissé incorporer. Elle est plus riche que Francfort et surtout que Lubeck et Brême ; mais elle n’est plus fortifiée ni guerrière. Elle a fait des jardins avec ses remparts, et une garde urbaine avec ses hommes d’armes. Elle est aujourd’hui pacifique comme le commerce. Les banquiers la comptent comme une cité florissante, mais les dandys ne la classeront pas parmi les villes élégantes ; il leur suffira pour cela d’entrer un soir au grand théâtre, où, dans une salle enfumée et à peine éclairée, ils pourront voir représenter Don Juan devant une assemblée de femmes à peu près en robes de chambre. Mes yeux, accoutumés à l’éclat de notre Opéra, se sont trouvés complètement dépaysés dans ce milieu morose ; il a réussi à affaiblir le plaisir que me cause d’ordinaire la magnifique partition de Mozart.

Hambourg est situé d’une façon délicieuse, entre la mer et des collines couvertes de fertiles campagnes ; au bas des collines, l’Elbe s’enfuit en faisant mille détours, semblable à un grand serpent courant dans de hautes herbes. À un quart de lieue de Hambourg, on rencontre Altona ; on le prendrait pour un de ses faubourgs. C’est une ville étrangère : Al-