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AU SPITZBERG.

détails du prêtre même qui la veillait. Ainsi rien n’est plus sur. »

La conclusion me fit sourire ; mais je n’ajoutai rien. La conviction de ma bonne Allemande me parut puisée dans un ordre d’idées contre lesquelles on ne discute pas, et, du moment où le coffre était une preuve, je sentis que toute objection devenait impossible.

Les Îles de la mer Baltique sont le berceau d’une foule de croyances superstitieuses, bizarres et poétiques. Le pêcheur y redoute encore la Hawfrue (femme de mer) aux yeux glauques et malins, aux beaux cheveux d’or pâle flottant sur des épaules d’un blanc nacré. Cette nymphe de la mer séduit les jeunes hommes, les enlève et les garde dans des grottes sous-marines, d’où ils ne reviennent qu’au bout de cent ans, c’est-à-dire jamais, et la Mermaid (sirène) dont la voix douce et harmonieuse attire les marins dans des passes perfides où ils périssent.

Dans ces naïves traditions du Nord s’agite toute une mythologie empreinte d’un charme vague, indécis, mystérieux, indéfinissable : c’est la poésie du brouillard, comme les éblouissantes féeries de l’Orient sont la poésie du soleil.

Lorsque nous eûmes doublé la pointe assez redoutée de Moën, un vent violent s’éleva et rendit notre navigation très-difficile ; le petit bateau luttait énergiquement contre d’énormes vagues, mais il n’était pas le plus fort, et la mer le couchait à tout moment sur le côté, de façon qu’une de ses roues était constamment en l’air. Cette attitude inusitée augmentait beaucoup la tâche de l’équipage,