Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/126

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— Vous entendez ? ajouta Hélen, n’est-il pas évident qu’il ne reviendra point cet hiver ?

— Non, mais il est évident que Mlle Bingley n’entend pas qu’il revienne.

— Que pourriez-vous en conclure ? N’est-il pas maître de lui-même ? Nul n’a droit de le commander ; mais vous ne savez pas tout… je veux vous lire les passages qui me tiennent si fort à cœur… ; je ne puis vous rien cacher.

« M. Darcy est impatient de revoir sa sœur et, à dire vrai, nous ne le sommes guère moins que lui. Georgiana Darcy est son égale pour la beauté, les grâces et les talents : l’amitié qu’elle nous inspire à Louisa et à moi est d’autant plus vive, que nous espérons la pouvoir un jour nommer notre sœur. Je ne sais si je vous ai jamais confié mes espérances à ce sujet, mais je ne saurais quitter le pays sans vous en parler, et il me semble que vous ne les croirez pas trop déraisonnables. Mon frère était, dès l’année passée, fort assidu auprès de Mlle Darcy ; il aura cet hiver occasion de la voir encore plus fréquemment : les parents désirent autant que nous ce mariage, et la partialité d’une sœur ne m’abuse pas. Je crois que Charles possède merveilleusement tout ce qui peut plaire à une femme. Avec tant de circonstances pour favoriser un attachement, et rien qui puisse y mettre obstacle, ai-je tort, alors, bien aimée Hélen, d’espérer un événement qui fera le bonheur de tant de personnes ? »

— Que pensez-vous de cette dernière phrase ? dit Hélen en finissant. Elle est, ce me semble, assez expressive. Caroline ne déclare-t-elle pas franchement qu’elle ne croit ni ne désire m’avoir pour sœur ; qu’elle est parfaitement convaincue de l’indifférence de son frère ; et si elle soupçonne mes sentiments pour lui, ne veut-elle pas, avec bonté, me tirer de mon erreur ; peut-on avoir deux opinions sur ce point ?

— Oui, on le peut, car la mienne est toute différente : la voulez-vous connaître ?

— Très volontiers.