Aller au contenu

Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/235

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ou non ce qu’il est ; quelque jour tout sera connu ; jusque-là, nous devons nous taire.

— Vous avez raison ; publier ses erreurs lui ferait un tort extrême, et peut-être se repent-il de ce qu’il a fait, et cherche-t-il, par une conduite, sage à rétablir sa réputation : il ne faut donc pas le désespérer. »

Cette conversation rendit à Élisabeth un peu de sa tranquillité ; elle avait confié deux des secrets qui, pendant quinze jours, l’avaient si cruellement tourmentée, et était sûre de trouver Hélen toujours disposée à l’écouter si jamais elle en voulait reparler ; mais comment être parfaitement satisfaite, puisque la prudence l’obligeait à cacher encore quelque chose. Elle n’osait confier à Hélen l’autre partie de la lettre de M. Darcy, ni lui dire combien elle avait été chère à Bingley : ce secret, elle devait le garder pour elle seule ; elle sentait que rien de moins qu’une parfaite intelligence entre les deux parties intéressées ne lui pourrait permettre de le divulguer, et alors, se disait-elle, « je ne pourrais dire que ce que Bingley saura expliquer lui-même d’une manière bien plus agréable ».

Maintenant, souvent seule avec sa sœur, rien ne l’empêchait d’étudier ses sentiments. Hélen n’était point heureuse, elle conservait encore pour Bingley l’attachement le plus tendre ; n’ayant jamais eu jusqu’à ce moment même la moindre fantaisie, son attachement pour lui avait toute la vivacité d’une première inclination, et par l’âge, et le caractère d’Hélen, cet attachement était plus solide que ne le sont d’ordinaire les premières affections de ce genre ; elle chérissait si tendrement son souvenir, et sa préférence pour lui était si décidée, que toute sa raison et son amour filial pouvaient à peine l’empêcher de l’abandonner à des regrets, qui, en altérant sa santé, auraient nui au bonheur de ses parents.

« Eh bien, Lizzy, dit un jour Mme Bennet, quelle est maintenant votre opinion sur cette triste affaire d’Hélen ? Quant à moi, je suis décidée à n’en plus parler : je l’ai dit l’autre jour à ma sœur Philips ; mais il est donc vrai qu’elle n’a point entendu parler de lui, pendant son séjour