Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/239

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comme Mme Forster, et combien il était probable qu’avec une telle compagne, et dans un lieu comme Brighton, elle ne fût encore plus imprudente que jamais. Il l’écouta fort attentivement, et alors lui dit :

« Lydia ne sera jamais satisfaite qu’elle ne se soit montrée dans quelque lieu public ; et nous ne pouvons espérer de retrouver une occasion où elle puisse le faire avec si peu d’inconvénients pour sa famille que dans cette circonstance.

— Oh ! si vous saviez, dit Élisabeth, le tort que peut nous faire l’imprudence de Lydia, que dis-je ? le tort qu’elle nous a déjà fait, vous en jugeriez bien différemment.

— Déjà fait ! répéta M. Bennet. Quoi ! a-t-elle fait déserter quelques-uns de vos amoureux ? Pauvre petite Lizzy ! Mais ne vous chagrinez pas cependant, croyez-moi : des jeunes gens assez délicats pour craindre même l’ombre d’un ridicule ne méritent pas un regret. Allons, laissez-moi voir la liste de ces pauvres amants que la folie de Lydia a éloignés de vous.

— En vérité, vous vous trompez, ce ne sont point de pareils griefs dont je veux me plaindre, mais de maux plus réels, et qui doivent nous affecter tous. L’étourderie, le mépris de toute bienséance, dont Lydia se fait gloire, nuit, je le sais, à votre réputation, à celle de votre famille. Pardonnez-moi, mais il faut qu’une fois au moins je m’explique franchement. Si vous, mon père, ne voulez prendre la peine de réprimer les penchants de Lydia, de lui apprendre que ses occupations présentes ne peuvent être celles de sa vie, bientôt on ne pourra plus la corriger, et, à seize ans, elle sera la plus grande coquette qui se soit jamais attiré, à elle-même et à sa famille, la risée de la société ; une coquette aussi des plus ridicules, sans autre charme que la jeunesse et quelque peu de beauté, et ne possédant ni l’esprit, ni le talent de se garantir du mépris auquel son désir extrême de plaire l’exposera sans cesse. Kitty court les mêmes dangers, elle suivra toujours et partout l’exemple de Lydia ; toutes deux vaines, ignorantes, paresseuses, et absolument abandonnées à elles-mêmes ! Oh ! mon père, pouvez-vous