Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/300

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de Wickham, et par conséquent les laissait d’ordinaire plus tristes, plus abattues qu’elle ne les avait trouvées.

Tout Meryton semblait maintenant s’efforcer de noircir la réputation de l’homme que trois mois auparavant on avait presque mis au rang des demi-dieux. On assura qu’il devait à tous les marchands de cette ville, et, selon le bruit de la ville, il y avait à peine une fille d’artisan dans le voisinage qui n’eût été trompée par lui. Chacun déclarait qu’il était l’homme le plus méprisable, le plus dépravé, et beaucoup de gens commençaient même à trouver qu’ils s’étaient toujours défiés de son air affable.

Élisabeth, bien qu’elle n’ajoutât que peu de foi à la plupart de ces rapports, en crut assez cependant pour être plus persuadée que jamais du déshonneur de sa malheureuse sœur ; et même Hélen, qui en croyait bien moins encore, commença presque à perdre tout espoir, d’autant plus que deux semaines étaient presque écoulées depuis leur fuite. Et, si vraiment ils eussent été en Écosse, comme toujours elle l’avait espéré, on aurait pu maintenant avoir reçu de leurs nouvelles.

M. Gardener quitta Longbourn le dimanche, et, le mardi suivant, sa femme reçut une lettre de lui, qui leur disait qu’à son arrivée, ayant sur-le-champ été trouver son frère, il lui avait persuadé de venir avec lui dans la rue de Grace-Church ; que M. Bennet s’était rendu à Epsom et à Clapham avant son arrivée, mais en vain ; que toutes ses recherches avaient été infructueuses, et qu’il était maintenant décidé à visiter tous les hôtels garnis de Londres, car M. Bennet pensait qu’il était fort probable qu’à leur arrivée dans cette ville ils eussent descendu à l’auberge avant de se procurer un appartement. M. Gardener ne paraissait attendre aucun succès de cette démarche, mais son frère, semblant en espérer beaucoup, il voulait le satisfaire. Il ajoutait aussi que M. Bennet était fort décidé à ne point encore quitter Londres, et promettait d’écrire dans peu de jours. À cette lettre, il y avait aussi un post-scriptum, et tel en était le contenu :

« J’ai écrit au colonel Forster pour le prier de s’informer