Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/310

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— Quoi ! ils se marient ! cela est-il croyable ? s’écria Élisabeth, dès qu’elles furent seules, et nous devons en rendre grâces au ciel… Se peut-il qu’un mariage si imprudent et qui ne peut promettre aucun bonheur à ceux qui le contractent doive cependant être pour nous un sujet de joie. Oh ! Lydia.

— Je me console en pensant, répondit Hélen, qu’il ne l’épouserait pas si vraiment il n’avait aucune estime pour elle, et bien qu’il me soit facile de croire que notre bon oncle lui ait fait quelques avances pour l’aider à payer ses dettes, je ne pense pas cependant que la moitié, le quart même de dix mille livres sterling ait été nécessaire pour cela ; mon oncle a plusieurs enfants, il peut en avoir d’autres, comment aurait-il pu sacrifier une somme si considérable ? »

Mais en ce moment l’idée leur vint, que Mme Bennet pouvait bien ignorer encore ce qui venait d’arriver ; elles allèrent donc au cabinet de leur père lui demander s’il ne désirait pas que cette nouvelle fût communiquée à sa femme. Il écrivait, et sans même lever la tête, il leur répondit très froidement.

« Comme il vous plaira.

— Pouvons-nous prendre la lettre de mon oncle, pour la montrer à maman ?

— Prenez tout ce que vous voudrez, et laissez-moi en repos. »

Élisabeth ayant pris la lettre, se rendit avec sa sœur à l’appartement de Mme Bennet, où se trouvaient en ce moment Mary et Kitty. Après les avoir quelque peu préparées à une bonne nouvelle, la lettre fut lue à haute voix. Mme Bennet pouvait à peine se contenir ; dès qu’Hélen en vint à l’endroit où M. Gardener parlait du mariage de Lydia comme chose probable, sa joie se manifesta par les expressions les plus vives, et chaque phrase qui suivit ne fit qu’y ajouter encore ; toutes ses craintes, ses souffrances furent oubliées ; l’idée d’avoir dans peu une fille mariée l’absorbait tout entière, et aucun souvenir humiliant ne vint troubler cette joie.