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Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/316

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sa honteuse fuite et des quinze jours qu’elle avait passés avec Wickham avant leur mariage.

Élisabeth à cette heure regrettait amèrement d’avoir été entraînée par le premier mouvement d’effroi et de douleur à révéler à M. Darcy leur crainte concernant Lydia, car son mariage devant bientôt donner à leur fuite une couleur moins défavorable, on pouvait espérer d’en cacher les funestes commencements à ceux qui n’étaient pas absolument sur les lieux.

Toutefois elle n’appréhendait pas que par lui cela se répandît plus loin ; il y avait peu de personnes à la discrétion desquelles elle se fût fiée avec plus de confiance, mais aussi n’en existait-il aucune à qui elle eût désiré davantage cacher la faiblesse d’une sœur, non qu’elle craignît que cette connaissance lui pût faire à elle-même aucun tort particulier, car de toute manière il semblait qu’une barrière insurmontable les séparait désormais. Si même le mariage de Lydia eût été conclu de la manière la plus honorable, il n’était pas à croire que M. Darcy voulût s’unir à une famille qui venait d’ajouter encore à tant d’autres inconvénients, une alliance la plus étroite, la plus intime avec l’homme qu’il méprisait si justement. Elle ne pouvait s’étonner qu’il eût horreur d’une semblable liaison ; et alors comment espérer même que le désir d’être estimé d’elle, qu’il lui avait si ouvertement montré dans Derbyshire, pût résister à une pareille épreuve ? Elle était chagrine, humiliée ; elle se repentait sans trop savoir de quoi ; elle devenait jalouse de son estime, maintenant qu’elle ne pouvait plus en espérer aucun avantage ; elle désirait avoir de ses nouvelles, lorsqu’il était si peu probable qu’elle en reçût jamais ; et maintenant que, selon toutes les apparences, ils ne devaient plus se revoir, elle sentait qu’elle aurait pu être heureuse avec lui.

M. Gardener ne tarda pas à récrire à son frère ; aux remerciements de M. Bennet, il ne répondit que par l’assurance du plaisir qu’il aurait toujours à faire quelque chose qui lui pût être utile ou agréable, et finissait en le priant instamment de ne plus parler de cette affaire. Le principal