Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/44

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— Mais, mon frère, je ne prétends parler que de choses praticables.

— Vraiment, Caroline, je crois qu’il est plus facile d’acheter Pemberley que de construire quelque chose qui en approche. »

Cette conversation amusa tellement Élisabeth qu’elle quitta son livre et vint s’asseoir entre Mme Hurst et Mlle Bingley, sous prétexte de regarder leur jeu.

« Mlle Darcy est-elle bien grandie depuis ce printemps ? dit miss Bingley ; sera-t-elle aussi grande que moi ?

— Je le crois ; elle est maintenant de la taille de miss Élisabeth Bennet.

— Combien je désire la revoir ! Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui m’ait plu autant… Quelle physionomie !… quelles manières !… et si instruite pour son âge !… Son talent au piano est vraiment remarquable.

— Je ne puis concevoir, dit Bingley, comment les dames ont assez de persévérance pour se rendre, par les talents, aussi accomplies qu’elles le sont toutes aujourd’hui.

— Toutes, mon cher Charles, que voulez-vous dire ?

— Mais, oui, toutes, elles savent toutes peindre des souvenirs, couvrir des écrans et faire des bourses. J’en connais à peine une seule qui ne puisse faire tout cela, et je n’ai jamais entendu parler d’une jeune personne pour la première fois sans être prévenu qu’elle était très accomplie, toujours dans le même sens.

— Votre interprétation de ce qu’on entend ordinairement par une personne accomplie n’est que trop vraie, dit Darcy. Ce mot s’applique à bien des femmes qui ne l’ont mérité qu’en faisant des bourses ou des tapisseries à écrans. Je suis cependant loin de partager votre opinion sur les dames en général… Je ne puis me vanter, parmi toutes mes connaissances, d’en avoir plus de six qui soient réellement accomplies.

— Ni moi non plus, ajouta Mlle Bingley.

— Alors, dit Élisabeth, vous devez exiger un grand mérite de celles que vous nommez accomplies.