Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/71

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Cette galanterie ne fut pas également appréciée par tous les auditeurs, mais Mme Bennet, que flattaient tous les compliments, lui répondit d’un air empressé :

« Vous êtes bien bon, monsieur, et je le souhaite de tout mon cœur, sans quoi elles seront bien à plaindre ; des affaires arrangées d’une manière si étrange !…

— Vous voulez parler peut-être, madame, de la substitution ?

— Ah ! monsieur, j’y pense continuellement ; il faut avouer que c’est une chose bien triste pour mes pauvres filles. Ce n’est pas que je veuille vous blâmer, je sais fort bien que le hasard seul est en cause. On ne peut jamais deviner à qui les terres appartiendront une fois qu’elles sont substituées.

— Je sens, madame, tout le tort que cela fait à mes charmantes cousines, et j’aurais beaucoup à dire sur ce sujet ; mais je crains d’aller trop vite et de paraître peu mesuré. Pour le présent, je me contenterai d’assurer ces demoiselles de ma très humble admiration. Je n’en dis pas davantage… Mais quand nous nous connaîtrons mieux… »

Il fut interrompu par un domestique qui vint dire que le dîner était servi. Ces demoiselles se regardèrent en souriant ; elles ne furent pas le seul objet de l’admiration de M. Colins : l’antichambre, la salle à manger, les meubles furent examinés et approuvés. Ces louanges auraient été au cœur de Mme Bennet si elle n’avait pas supposé qu’il les regardait comme devant un jour lui appartenir. Le dîner fut aussi loué, et il voulut savoir laquelle de ces charmantes cousines était auteur de mets si délicatement préparés ; mais ici Mme Bennet le redressa vivement en l’assurant, avec un peu d’humeur, qu’elle était bien dans le cas d’avoir un cuisinier, et que ses filles n’avaient que faire à la cuisine… Là-dessus M. Colins se confondit en excuses : elle eut beau l’assurer, de l’air le plus radouci, qu’elle n’était point offensée, il n’en continua pas moins, sur le même ton, plus d’un quart d’heure, lui demandant toujours mille et mille pardons.