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charges ou ratures qui pouvaient s’y trouver ; en outre, chaque feuille du premier exemplaire sortant de, dessous la presse était également signée de censeurs, pour que l’on fût assuré que l’imprimé était parfaitement conforme au manuscrit approuvé[1].

Que pensait alors l’opinion publique d’une telle législation ? Nous en avons un écho affaibli, mais assez exact, dans les procès-verbaux des États généraux de 1614. La vérité est que la liberté de la presse, même limitée, n’avait alors pas plus de partisans dans la représentation nationale que dans les conseils du roi. On hésitait seulement entre la censure de l’État et celle de l’Église.

Le Clergé demandait qu’il fût interdit, sous des peines sévères, d’écrire, d’imprimer ou de mettre en vente des libelles diffamatoires et que tout détenteur de pareils écrits fût tenu de les brûler ; qu’il ne fut rien imprimé sans une permission signée de l’auteur, avec l’approbation des docteurs et de l’autorité de l’Évêque diocésain. Le Tiers État, de son côté, pensait qu’aucun livre ne pouvait être mis en vente, s’il ne désignait le nom, le privilège de l’imprimeur, et le lieu de l’impression ; les infracteurs devaient être punis du fouet et d’une amende arbitraire pour la première fois, des galères et de la confiscation pour la seconde ; l’examen préalable de tous les livres devait être confié aux délégués des évêques et des baillis[2].

Les ministres de Louis XIII, on le voit, étaient d’accord avec l’opinion des trois ordres, lorsqu’ils s’efforçaient d’entraver la liberté de la presse.

La période de l’ancien régime la plus fertile en satires, en libellée, en diatribes, où le burlesque le dispute à la licence obscène et au cynisme effronté, c’est assurément la période de la Fronde de 1648 à 1651 Un contemporain, Vaudé, en parle comme d’essaims de mouches et de frelons qu’auraient engendrés les plus fortes chaleurs de l’été. On les criait le matin sortant de la presse, comme les petits pâtés sortant du four. On ne connaît aucune collection assez complète, assez vaste de ces Mazarinades, pour permettre d’en évaluer le chiffre total ; mais ce ne serait pas L’exagérer que de le porter a sept ou huit mille. Mazarin lui-même faisait, dit-on, ou faisait faire des

  1. Peignot, loc. cit., p. 78.
  2. États généraux, par A. Desjardins, p. 688 et 659. Paris, Durand, 1871.