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Il ne faut pas croire cependant que, sous l’ancien régime, le sort de la librairie ait jamais été réglé avec une telle simplicité. Six arrêts du conseil du 30 août 1777 réduisirent la durée des privilèges, imposèrent divers impôts. D’ailleurs les Parlements, qui empiétaient souvent sur le pouvoir législatif, publièrent de nombreux règlements sur le fait de la librairie. De telle sorte que la législation de cette époque n’offre, en définitive, qu’un pêle-mèle inextricable de dispositions arbitraires offrant la plus grande latitude aux caprices du despotisme.

C’est ce qui explique comment les philosophes du xviiie siècle siècle eurent tant de peine à faire paraître l’Encyclopédie, même avec la complicité de M. de Malesherbes, alors directeur de la librairie[1]. Comme il y avait des accommodements avec le pouvoir, les ouvrages suspects passaient la frontière en manuscrits, étaient imprimés Genève, à Londres ou à Amsterdam et revenaient ensuite en France à l’aide d’une propagande la plupart du temps ouverte et tolérée. Tel fut le cas du Dictionnaire de Bayle, de l’Esprit des lois imprimé à Genève, et des œuvres les plus remarquables de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau.

Parfois cependant, sur certaines plaintes, on faisait un exemple. Ainsi, à la veille de la révolution, en 1789, le Parlement condamna au feu un ouvrage de l’abbé Raynal sur les Etablissements et le commerce des Européens dans les deux Indes, ouvrage dénoncé au roi par la dernière assemblée du clergé.


    obtenu permission du lieutenant de police, approbation des censeurs et lettres du grand sceau.
    Neuf exemplaires sont remis : 2 à la Bibliothèque du Roi, 1 au Cabinet du Louvre, 1 au garde des sceaux, 1 au censeur qui a lu l’ouvrage et 5 à la communauté des libraires
    . Les contrefacteurs sont punis corporellement.
    Les libraires seuls peuvent décrire les livres et faire les ventes des bibliothèques sans affiches.
    Une imprimerie ou une librairie ne peut être transmisse sans la permission du lieutenant de police.
    Le syndicat de la communauté est chargé d'une surveillance rigoureuse du matériel et de la défense des intérêts des imprimeurs et libraires.
    On peut consulter aussi à ce sujet la Propriété littéraire au XVIIIe siècle, par Laboulaye et Guiffrey, Paris, 1859.

  1. Etudes sur le XVIIIe siècle, par Brunetière, Revue des Deux-Mondes, 1882, p. 567.