Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/126

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une lettre à Sophie, il laissait échapper ses craintes à cet égard : « J’ai l’âme flétrie de tous côtés. Il y a environ vingt-cinq jours que je n’avais aperçu mon enfant, je l’ai trouvée tout à fait empirée. Elle grasseye, elle minaude, elle grimace ; elle connaît tout le pouvoir de son humeur et de ses larmes ; elle boude et pleure pour rien ; elle a la mémoire pleine de sots rébus ; elle est dégingandée ; on n’en peut venir à bout ; le goût du travail et de la lecture, qui lui était naturel, se perd. Je vois tout cela, et je m’en désolerais, si l’effet de ma présence depuis quelques jours ne me laissait espérer quelque réforme. Elle est grande, elle est assez bien de visage, elle a de l’aptitude à tous les exercices du corps et de l’esprit. Uranie ou sa sœur[1] en auraient fait un sujet surprenant. Sa mère, qui s’en est emparée, ne souffrira jamais que j’en fasse quelque chose. » Il était vrai que, pour avoir la paix, il avait dû abandonner à madame Diderot la direction de sa fille. Voltaire, qui savait cela, écrivait à Damilaville : « On dit que Tonpla (il avait donné pour surnom à Diderot, par manière de plaisanterie, l’anagramme de Platon) fait élever sa fille dans des principes qu’il déteste. » Heureusement, le mal n’était pas aussi grand qu’il paraissait. Élevée sous les yeux de son père, mademoiselle Diderot ne pouvait pas s’empêcher, en dépit de sa mère, de subir l’influence du Philosophe. Les lettres de Diderot témoignent que les leçons paternelles n’é-

  1. Madame Legendre et Sophie elle-même.