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Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/224

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autant de droits ; tous ces hommes effrayés, alarmés, formaient une ligue puissante par leur nombre et par l’éclat de leurs clameurs. »

Turgot n’avait à opposer à toutes ces haines que le peuple et quelques amis. Louis XVI, naturellement, ne pouvait pas persévérer longtemps dans la voie où il était entré et se mettre avec le peuple et les honnêtes gens, du côté de Turgot. Il lui fit donner sa démission[1].

Les gens de lettres, que, suivant la remarque de Condorcet, l’on doit compter pour beaucoup dans toutes les circonstances où l’opinion publique exerce son empire, auraient dû se rallier à un ministre zélé pour les progrès de la raison ; malheureusement ils obéissaient, en partie, à la déplorable influence du salon de Necker. Quelques-uns cependant furent comme anéantis à la nouvelle de son renvoi. Parmi ceux à qui la retraite de Turgot causa le plus de peine, il faut citer Voltaire. L’intimité du Patriarche de Ferney avec madame Necker ne l’aveuglait pas au point de lui faire croire que le mari de cette dame était capable de remplacer un

  1. Un philosophe, considéré dans la république des lettres (M. de M***), était à Versailles le jour mémorable de la disgrâce de M. Turgot. Il observait dans un morne silence la joie tumultueuse qu’inspirait cet événement. Un courtisan, frappé de ce contraste, lui demanda sur quoi il méditait si gravement. M. de M*** répondit, en élevant la voix : « Je me représente, d’après tout ce que je vois ici, l’image d’une troupe de brigands rassemblés dans la forêt de Bondy, à qui l’on vient d’annoncer que le Grand-Prévôt est renvoyé. » (V. les Observations modestes d’un citoyen, dans la collection des ouvrages pour et contre M. Necker).