Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/24

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professeur de mathématiques se vit, un jour, forcé de se placer chez un financier, M. Randon, comme précepteur de ses enfants. Cela dura trois mois, après lesquels, « jaune comme un citron », il regagna son grenier de la rue des Deux-Ponts, dans l’île Saint-Louis.

C’est vers l’année 1741 qu’il fit connaissance de madame Champion, veuve d’un manufacturier que de mauvaises opérations industrielles avaient ruiné, et qui, restée presque sans ressources, exerçait avec sa fille, rue Poupée, près de la rue de la Harpe, un petit commerce de dentelles et lingeries.

Sous un prétexte ou un autre, Diderot s’était introduit chez ces dames, tant et si bien, qu’à la fin madame Champion s’aperçut que le jeune homme avait « par sa langue dorée, renversé la cervelle de sa fille. »

On pense qu’une telle liaison n’était pas du goût de M. Diderot père, qui, en homme sage, jugeait imprudent d’unir ainsi la faim et la soif. Il écrivait sans fin à son fils : « Prenez un état ou revenez avec nous. » Pour d’autres motifs encore, l’union de Diderot avec mademoiselle Champion n’offrait aucune garantie d’un bonheur durable. Si l’on s’en rapporte à Rousseau, que nous allons voir bientôt entrer en scène, cette demoiselle ne rachetait par aucune qualité son manque de fortune. « Diderot, dit Jean-Jacques dans ses Confessions, avait une Nannette, ainsi que j’avais une Thérèse ; mais sa Nannette, pie-grièche et harengère, ne montrait rien aux yeux des autres qui pût racheter sa mauvaise