Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lesquels la châtelaine de la Chevrette lia connaissance chez mademoiselle Quinault.

Le 18 juillet 1750, le Discours de Rousseau avait remporté le prix à Dijon. Imprimé de suite par les soins de Diderot, il faisait grand bruit dans le monde des lettres. « Votre discours, lui écrivait Diderot, prend tout par-dessus les nues ; il n’y a pas d’exemple d’un pareil succès. » Mais, en même temps qu’il faisait sortir Jean-Jacques de son obscurité, il stimulait sa vanité, et le poussait à accomplir dans ses mœurs une réforme bizarre et à dévoiler des travers de caractère qu’il avait jusqu’alors tenus soigneusement cachés. « J’étais cynique et caustique par honte, j’affectais de mépriser la politesse que je ne savais pas pratiquer. » Ses amis en étaient choqués, mais ils lui pardonnaient son humeur en faveur de ses talents. Toutefois, avec le temps, une rupture entre Jean-Jacques et le parti philosophique était inévitable. À part sa misanthropie naturelle, il existait encore d’autres motifs de dissidence. Entêté dans ses opinions, il ne souffrait pas sans impatience qu’on soutînt devant lui des idées contraires aux siennes. Un jour, dans une conversation chez mademoiselle Quinault, comme Saint-Lambert s’élevait contre le déisme, prétendant que c’était le germe de toutes les folies : « Messieurs, dit Rousseau, un mot de plus et je sors. » Cependant, ces négations hardies n’étaient pas rares dans les sociétés du temps. Sans compter le salon du baron d’Holbach, chez lequel nous allons bientôt pénétrer, on les entendait exprimer dans