Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bureau partent quelques-unes des satires dont nous nous plaignons. » Il était vrai que l’auteur de la Gazette de France qui dénonçait dans les Affiches de province les encyclopédistes comme corrupteurs des mœurs, recevait les ordres des ministres ; et Palissot, que nous allons voir porter aux philosophes le coup le plus terrible, était subventionné par le duc de Choiseul[1].

Dès ce moment, le gouvernement était résolu à sévir contre les philosophes. Les plus hautes protections ne devaient pas les mettre à l’abri de ses rigueurs, et le livre de l’Esprit, qu’Helvétius venait de publier, allait être, le premier, l’objet de mesures sévères.

Helvétius était fils du premier médecin de Marie Leczinska, femme de Louis XV. À l’âge de vingt-trois ans, il avait obtenu, par la protection de la reine, une place de fermier général qui valait cent mille écus de rente. Doué de tous les avantages extérieurs, il passa la plus grande partie de sa jeunesse dans les plaisirs. Généreux et bienfaisant, il donnait, sans compter, de la manière la plus simple. La société des gens de lettres, qu’il fréquentait assidûment, fit naître en lui le désir de la célébrité. À l’âge de trente-cinq ans, il quitta tout à coup la vie voluptueuse qu’il avait menée jusqu’alors, résigna sa place, et après avoir épousé

  1. Palissot devait à l’intérêt qu’il avait su inspirer à ce ministre, par ses honteux services, une maison de campagne à Argenteuil, sur le fronton de laquelle il avait fait graver ces mots : Deus nobis hæc otia fecit.