Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/88

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La marquise du Deffand, chez qui mademoiselle de Lespinasse avait trouvé un asile, était aussi une des femmes les plus spirituelles de son temps ; mais elle était, par contre, l’une des plus méchantes. Rien ne mettait à l’abri de ses satires, si ce n’est une malice égale à la sienne. Voltaire est la seule personne qu’elle ait ménagée : elle n’ignorait pas qu’il était dangereux de s’attaquer à l’irascible poète. On aura une idée de la manière dont elle traitait ses meilleures amies, en lisant le portrait qu’elle a tracé de madame du Châtelet dans une lettre à Horace Walpole : « Représentez-vous une femme grande et sèche, sans cul, sans hanches, la poitrine étroite, deux petits tétons arrivant de fort loin, de gros bras, de grosses jambes, des pieds énormes, une très-petite tête, le visage aigu, le nez pointu, deux petits yeux vert-de-mer, le teint noir, rouge, échauffé, la bouche plate, les dents clair-semées et extrêmement gâtées. Voilà la figure de la belle Émilie, figure dont elle est si contente, qu’elle n’épargne rien pour la faire valoir : frisures, pompons, pierreries, verreries, tout est à profusion ; mais comme elle veut être belle en dépit de la nature, et qu’elle veut être magnifique en dépit de la fortune, elle est souvent obligée de se passer de bas, de chemises, de mouchoirs et autres bagatelles… »

À côté de cette caricature de l’amie de Voltaire, il n’est pas sans intérêt de placer la plaisante oraison funèbre que fit Voltaire au vieil amant de madame du Deffand, le président Hénault : « Il y a