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convenir qu’à un groupe d’hommes très déterminé. On peut les définir des contes ethniques. On constitue ainsi des groupes de contes celtiques, germaniques ; chrétiens, musulmans ; médiévaux, modernes. Il est tel conte de la Table Ronde que nous rapportons avec assurance à l’Armorique ou au pays de Galles, même si nous n’en possédons aucune forme bretonne, ni galloise.

En second lieu, la comparaison des traits accessoires des différentes versions peut nous renseigner sur la propagation du conte. Ils sont en effet, souvent, les témoins des adaptations nécessaires que le conte a dû subir pour passer de sa patrie à des groupes d’hommes voisins, plus ou moins différents, incapables de l’accepter sans le modifier.

On sait combien cette méthode est féconde pour l’étude des légendes épiques et hagiographiques. Elle l’est aussi pour déterminer l’évolution d’un grand nombre de contes, de ceux, par exemple, qui forment le noyau des romans de la Table Ronde.

Le grand malheur a été de croire, depuis cinquante ans, que ces mêmes procédés pouvaient s’appliquer à des contes quelconques. On parvenait à établir l’origine de la légende d’Arthur : pourquoi pas celle de la Matrone d’Éphèse ? On pouvait étudier l’histoire de Renart : pourquoi pas celle d’une fable quelconque ? On pouvait reconstituer l’histoire poétique de Garin de Monglane ou de Saint Brandan : pourquoi pas celle du Petit Poucet ? Pourquoi les contes populaires les plus aimés, les plus répandus, seraient-ils précisément ceux dont il est interdit de déterminer l’origine et les migrations ?

La raison en est simple, pourtant.

La méthode est bonne pour les contes ethniques, parce qu’elle se résume à marquer quelle limitation les données