Page:Bédier - Les Fabliaux, 2e édition, 1895.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 17 —

vail tout ce qui n’est pas l’étude des fabliaux, on l’abrègerait de moitié. Je l’accorde ; mais c’est trop peu dire : qui ferait cette suppression ne le réduirait pas seulement de moitié ; il le réduirait à néant. — Nous nous trouvions en présence d’une théorie de l’origine des fabliaux, qui les faisait venir de l’Inde. S’appuyait-elle sur des arguments tirés de l’examen des seuls fabliaux ? Non, mais sur des séries de considérations historiques et sur une méthode comparative d’où elle concluait à l’origine orientale des fabliaux et d’autres groupes de contes, indistinctement. Si elle se fût confinée dans le seul examen des contes à rire, elle ne compterait pas : il en serait de même de toute tentative de réfutation qui ne voudrait retenir de ses arguments que ceux qui concernent spécialement les fabliaux.

Une autre critique plus grave est celle qu’on tirerait du caractère négatif en apparence de mes conclusions. Je me défends ailleurs[1] contre ce reproche de scepticisme et d’agnosticisme. Le premier alchimiste qui a soutenu l’impossibilité de découvrir la pierre philosophale n’était pas un sceptique, mais un croyant. On peut me dire, pourtant : à la fin de votre longue discussion, il n’y a rien de fait, rien, qu’une théorie ruinée, si tant est qu’elle le soit.

Si elle ne l’est pas, si elle triomphe de nos faibles attaques, cette discussion n’aura pourtant pas été inutile. Toute critique de méthodes est chose bonne ; car il arrive souvent que les partisans d’un système, trop convaincus de l’évidence de leurs principes, n’aient pas conscience qu’ils ont négligé de les rendre également clairs pour tous. Inondés de la lumière qu’ils en reçoivent, ils oublient que des esprits sincères (et non nécessairement aveugles)

  1. V. le chapitre VIII.