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vivent, un peu par leur faute, dans une zone moins pleinement éclairée. Il est bon que ceux-là demandent plus de lumière même s’ils la demandent en la niant témérairement. De là le sens profond de cette parole : « Il faut qu’il y ait des hérésies. » Si nos critiques sont démontrées fausses, la démonstration de leur fausseté fortifiera, pour le plus grand bien de la science, les théories mêmes que nous avons combattues.

Si, au contraire, nos critiques sont fondées en fait et en raison, qu’on veuille bien songer, avant de nous reprocher le caractère en apparence négatif de nos conclusions, à la place que tient tout système faux, aux théories voisines qu’il comprime, au nombre de travailleurs qu’il immobilise pour un travail stérile.

Combien d’esprits restent aujourd’hui défiants à l’égard des recherches de MM. Lang et Gaidoz, et de toute tentative folkloriste, de peur de s’exposer à la déconvenue comique qui consisterait à prendre pour des survivances de mœurs primitives, pour des détritus des conceptions les plus antiques de nos races, les imaginations de quelque prédicant bouddhiste !

S’il est vrai que la science des traditions populaires doive être débarrassée de l’obsédant problème de l’origine des contes, les savants qui s’occupent de novellistique cesseront de croire que toute leur tache doive consister à étudier, à propos de Chaucer, le Çukasaptati ; à faire défiler inutilement sous nos yeux, à propos de La Fontaine, tous les conteurs passés, convoqués des points les plus opposés de la terre, du midi au septentrion et de l’orient au couchant.

Quelle aurait été la seconde partie de ce livre si nous avions admis la théorie indianiste ? Considérant les fabliaux comme une matière non proprement française, mais étran-