Page:Bédier - Les Fabliaux, 2e édition, 1895.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

LES FABLIAUX


CHAPITRE PRÉLIMINAIRE

QU’EST-CE QU’UN FABLIAU ? — DÉNOMBREMENT, RÉPARTITION
CHRONOLOGIQUE ET GÉOGRAPHIQUE DES FABLIAUX.
I. La forme du mot : fabliau ou fableau ?

II. Définition du genre : Les fabliaux sont des contes à rire en vers ; dénombrement de nos contes fondé sur cette définition : leur opposition aux autres genres narratifs du moyen âge, lais, dits, romans, etc.

III. Qu’il s’est perdu beaucoup de fabliaux ; mais ceux qui nous sont parvenus représentent suffisamment le genre.

IV. Dates entre lesquelles ont fleuri les fabliaux : 1159-1340.

V. Essai de répartition géographique : que les fabliaux paraissent avoir surtout fleuri dans la région picarde.

I

En intitulant ce livre Les Fabliaux, je ne me dissimule pas l’excès de ma témérité[1]. Toute la jeune école romaniste dit fableau, comme elle dit trouveur. Quiconque ose écrire encore fabliau, trouvère, fait œuvre de réaction. Il est un profane, un schismatique tout au moins.

Certes, la seule forme française du mot est, en effet, fableau : cela n’est point discutable. Le représentant d’un diminutif de fabula (fabula ellus) doit donner fableau, comme bellus donne beau[2].

  1. Elle m’a déjà été reprochée par le savant M. A. Tobler, dans l'Archiv de Herrig, t. LXXXVII, p. 441.
  2. On sait comment se sont comportés tous les mots analogues : e devant ll s a dégagé un a parasite (beals) ; ll s’est réduite à l, et devant une consonne, l s’est vocalisée (beaus). On déclinait donc en vieux français :
    Sing. sujet : li fableaus Pluriel sujet : li fablel
    Pluriel rég. : le fablel Pluriel rég. : les fableaus

    La forme du pluriel a réagi sur le singulier : le fableau.