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dits, pièces morales, tout ce qui se rencontrait d’ancien et de curieux sans être long a été publié par eux au hasard et en masse[1]. »

Dès que les critiques ont commencé à se débrouiller parmi les œuvres du moyen âge, ils ont pris garde que les poètes d’alors entendaient par fabliau non pas indistinctement toute légende, mais un genre littéraire très déterminé. Les définitions se sont donc précisées, depuis la magistrale étude de J. V. Le Clerc[2], jusqu’à la belle édition de MM. A. de Montaiglon et G. Raynaud[3]. — Comme ceux-ci se proposaient de publier tous les fabliaux et rien que des fabliaux, ils se soucièrent de fonder leur labeur sur une définition qui convînt à tout le défini et au seul défini. Leur concept du mot et de la chose, encore très incertain et flottant dans leurs premiers volumes, se précise dans les quatre derniers, où l’on ne trouve, en effet, sauf quelques cas douteux, que des fabliaux. Y trouve-t-on tous les fabliaux ? Oui, sauf de rares exceptions. Les quelques observations qui suivent — non plus que la dissertation spéciale de M. O. Pilz Sur le sens du mot fablel[4] — n’ajouteront donc rien à une définition acquise par nos devanciers, et d’ailleurs facile à donner. Elles ne changeront pas la physionomie de leur collection, mais en supprimeront quelques numéros, pour les remplacer par quelques autres.

L’erreur de la langue générale contemporaine qui entend par fabliau à peu près toute légende du moyen âge et l’embarras des romanistes pour déterminer exactement le sens ancien du mot sont deux effets d’une même cause : à savoir que les trouvères eux-mêmes en ont fait parfois un emploi indiscret et vague. Phénomène trop naturel en un temps qui, d’une part, ne se souciait guère de composer des poétiques, et qui, d’ailleurs, ne disposait que d’un choix de termes assez restreint, fable, lai, dit, roman, fabliau, miracle, pour désigner de nombreuses variétés de

  1. A. de Montaiglon, Recueil des Fabliaux, avant-propos, p. IX.
  2. Histoire littéraire de la France, t. XXIII.
  3. Recueil général et complet des fabliaux des XIIIe et XIVe siècles, imprimés ou inédits, publié d’après les manuscrits, par M. Anatole de Montaiglon et (à partir du t. II) par M. Gaston Raynaud, Paris, Jouaust, 6 vol., 8° (1872, 1876, 1878, 1880, 1883, 1890).
  4. Beitræge zur Kenntnis der altfz. Fabliaux. 1. Die Bedeutung des Wortes Fablel. Diss. de Marbourg, par Oscar Pilz, Stettin, 1889.