Page:Bédier - Les Fabliaux, 2e édition, 1895.djvu/72

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sente nt encore de telles ressemblances que l’on a pu établir, comme un fait qui n’est plus à discuter, que les uns et les autres descendent d’un tronc commun. Mais nous allons maintenant plus loin : non seulement nous trouvons les mêmes mots et les mômes terminaisons en sanscrit et en gothique ; non seulement nous trouvons dans le sanscrit, le latin et l’allemand, les mêmes noms donnés à Zeus et à beaucoup d’autres divinités ; non seulement le terme abstrait qui représente l’idée de Dieu est le même dans l’Inde, la Grèce et l’Italie ; mais ces contes mêmes, ces Màhrchen que les nourrices racontent encore presque dans les mêmes termes, sous les chênes de la forêt de Thuringe et sous le toit des paysans norvégiens, et que des bandes d’enfants écoutent à l’ombre des grands figuiers de l’Inde, eux aussi, ces contes faisaient partie de l’héritage commun de la race indo-européenne, et l’origine nous fait remonter jusqu’à ce même âge lointain où aucun Grec n’avait encore mis le pied sur la terre d’Europe, où aucun Hindou ne s’était baigné dans les eaux sacrées du Gange. Cela semble étrange, sans aucun doute, et a besoin d’être entouré de quelques réserves. Nous ne voulons pas dire que les ancêtres des diverses races indo-européennes aient entendu raconter l’histoire de Blanche comme la Neige et de Rouge comme la Bose, sous la forme même où nous la trouvons aujourd’hui, que ces pères de nos races la racontèrent ensuite à leurs enfants et que c’est ainsi qu’elle fut transmise jusqu’à nos jours… Il est bien certain pourtant que la mémoire d’une nation reste attachée avec une merveilleuse ténacité à ces contes populaires, et que les germes d’où ils sont sortis appartiennent à la période qui précéda la dispersion de la race aryenne ; que ces mêmes peuples, qui, en émigrant vers le nord ou le sud, portèrent avec eux les noms du soleil et de l’aurore, ainsi que leur croyance aux brillantes divinités du ciel, possédaient déjà, dans leur langue même, dans leur phraséologie mythologique et proverbiale, les semences plus ou moins développées, qui devaient nécessairement donner naissance aux mêmes plantes ou à des plantes très semblables dans n’importe quel sol et sous n’importe quel ciel[1].

… « C’est ainsi que M. Dasent a suivi l’altération graduelle

  1. M. Müller, Essais sur la myth. comp., traduction G. Perrot, p. 271-3.