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EN PRISON À BERLIN

— « Et où allez-vous donc, lui demandai-je (toujours en anglais) — si je puis me permettre de vous poser cette question » ?

— « En Russie, me répondit-il ».

— « Comment pourrez-vous vous rendre en Russie, l’Allemagne vient de déclarer la guerre à la Belgique ? »

— Oh ! dit-il, « j’ai l’intention de passer par la Hollande. »

Le laconisme de ses réponses m’indiquait qu’il prenait peu d’intérêt à la conversation que je tentais d’entamer avec lui. Je commençais à avoir quelques soupçons, lorsque ma femme, assise en face de moi me fit comprendre par un clin d’œil qu’il y avait quelque chose d’anormal chez notre compagnon de route. Le train filait à bonne allure, et quelques minutes plus tard, nous arrivions à Bruges. Sur le quai de la gare, il y avait une foule considérable. On se coudoyait, on avait l’air de chercher quelqu’un en regardant dans toutes les fenêtres du convoi…

Notre compagnon prend sa valise pour descendre du convoi. Il avait à peine ouvert la porte du compartiment que de cinquante bouches à la fois sortit cette exclamation :

— « C’est lui ! C’est lui ! »

Il descendit et fut immédiatement entouré par la foule. Trois ou quatre gendarmes survinrent qui lui posèrent cette question directe et ad rem :

— « Êtes-vous Allemand ? »