Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/48

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Vient un danseur ; nouveaux amours !
La noblesse alors déménage.
Mon miroir me sourit toujours ;
Et je monte au troisième étage.

Là, je plume un bon gros Anglais,
Qui me croit et veuve et baronne ;
Puis deux financiers vieux et laids ;
Même un prélat, Dieu me pardonne !
Mais un escroc que je chéris
Me vole en parlant mariage.
Je perds tout ; j’ai des cheveux gris ;
Et je monte encore un étage.

Au quatrième, autre métier.
Des nièces me sont nécessaires ;
Nous scandalisons le quartier,
Nous nous moquons des commissaires.
Mangeant mon pain à la vapeur,
Des plaisirs je fais le ménage.
Trop vieille enfin je leur fais peur ;
Et je monte au cinquième étage.

Dans la mansarde me voilà,
Me voilà pauvre balayeuse.
Seule et sans feu, je finis là
Ma vie au printemps si joyeuse.
Je conte à mes voisins surpris
Ma fortune à différents âges,
Et j’en trouve encor des débris
En balayant les cinq étages.