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Page:Béranger - Ma biographie.djvu/113

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églises aux heures de solitude, et me livrai à des lectures ascétiques, autres que l’Évangile, qui, malgré ma croyance arrêtée, a toujours été pour moi une lecture philosophique et la plus consolante de toutes. Hélas ! ces tentatives furent vaines. J’ai souvent dit que la raison n’était bonne qu’à nous faire noyer quand nous tombions à l’eau. Toutefois j’ai eu le malheur qu’en ce point elle se soit rendue maîtresse au logis : la sotte ! elle refusa de me laisser croire à ce qu’ont cru Turenne, Corneille et Bossuet. Et pourtant j’ai toujours été, je suis et mourrai, je l’espère, ce qu’en philosophie on appelle un spiritualiste. Il me semble même que ce sentiment profond se fait jour à travers mes folles chansons, pour lesquelles des âmes charitables auraient eu plaisir, il y a une vingtaine d’années, à me voir brûler en place publique, comme autrefois Dolet et Vanini.

De cet appel à une croyance, que ce spiritualisme persévérant m’inspira sans doute, il ne m’est resté que d’assez méchants vers que je brûlerai probablement bientôt, mais qui me font sourire quand j’y jette les yeux. Autant j’aime que le poëte se fasse religieux dans les sujets religieux, autant je trouve absurde de se donner soi-même comme rempli d’une foi qu’on n’a réellement pas. L’œil des vrais dévots ne s’y trompe point, et l’on ne peut faire ainsi que de la religiosité, à laquelle encore ne tarde-t-on pas