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bonne grand’mère comprît quelque chose à ses lectures, qui pourtant la passionnaient. Elle citait sans cesse M. de Voltaire, ce qui ne l’empêchait pas, à la Fête-Dieu, de me faire passer sous le Saint-Sacrement.

L’amour de l’école ne me venait toujours pas. Ce que je préférais de beaucoup, c’était de rester sans bruit dans un coin, à faire des découpures, des dessins, ou de petits paniers avec des noyaux de cerises délicatement évidés et ciselés, chefs-d’œuvre qui m’occupaient des journées entières et causaient l’admiration de tous mes parents.

Ma mère ayant quitté sa famille pour vivre seule, j’allais de temps à autre passer huit ou quinze jours auprès d’elle près du Temple[1], ce qui apportait un étrange changement à la vie que je menais rue Montorgueil. Souvent elle me conduisait aux théâtres du boulevard ou à quelques bals et à des parties de campagne.

J’écoutais beaucoup et je parlais peu. J’apprenais bien des choses, mais je n’apprenais pas à lire.

Toujours séparé de ma mère, mon père alors habitait l’Anjou[2] et je ne l’avais vu qu’une ou deux fois à son passage à Paris. Il y revint au commencement de 1789, et l’on décida que je serais mis en

  1. Rue Notre-Dame-de-Nazareth.
  2. Durtal, où il était devenu avocat et notaire seigneurial.