Page:Béranger - Ma biographie.djvu/227

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mesure de ce que je dois de reconnaissance à mon illustre avocat, qui ne fit jamais preuve d’une éloquence plus incisive, plus abondante, plus spirituelle. Seulement, j’ai dû trouver que, dans l’intérêt de son client, mon défenseur s’attachait trop à diminuer l’importance de la chanson ; et sous ce rapport, ma vanité d’auteur et mon amour du genre me portaient à juger que l’accusation allait plus droit au but que je me proposais, en donnant à mes productions une valeur littéraire que Dupin s’attachait à diminuer. Au besoin, l’orgueil du faiseur de vers irait jusqu’à l’héroïsme : « J’aime mieux être pendu par mes adversaires que noyé par mes amis, » disais-je. Il n’en était pas moins sage à mon avocat d’éviter le long emprisonnement dont j’étais menacé. Ce n’est d’ailleurs que plus tard qu’on accorda la qualité de poëte au chansonnier, et, chose étrange ! les Anglais furent, je crois, des premiers à me donner ce titre dans la Revue d’Édimbourg[1].

Un juge, dont on sera peut-être surpris de trouver le nom ici, influa, heureusement pour moi, dans cette première affaire, qui ne me valut que trois mois de prison et cinq cents francs d’amende ; c’est M. Cottu,

  1. Dernièrement encore la Revue d’Édimbourg a apprécié de la façon la plus élevée et avec les plus grands éloges les Œuvres posthumes de Béranger. Cet article a été inséré dans la Revue britannique du mois de décembre 1858.