Page:Béranger - Ma biographie.djvu/275

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qu’ils soient, n’aiment pas qu’on les refuse en face. Le refus de l’aller voir ne devait passer que pour de la sauvagerie ; le refus de ses faveurs eût pu paraître de l’outrecuidance. Je n’avais d’ailleurs nulle envie de donner de l’éclat à ce que l’on a bien voulu appeler mon désintéressement.

Après tout, à quoi pouvait servir une ou plusieurs conversations entre deux hommes placés si diversement et arrivés tous deux à l’âge où les idées sont d’autant plus tenaces qu’elles ont l’orgueil de leur durée ? Il est à croire que le roi et le chansonnier ne se seraient pas entendus, si bienveillant que l’un eût voulu se montrer, si poli que l’autre se fût fait un devoir de paraître. Me serais-je posé en conseiller de la couronne ? Mais, si mes amis, devenus ministres, n’écoutaient déjà plus mes très-humbles remontrances, un roi eût-il été tenté de les accueillir ? Il en eût ri ; c’eût été un de ses bons jours. La réflexion m’eût fait rire moi-même du sot rôle que j’aurais essayé de jouer et que tant de niais ont été prendre, avec le succès que nous savons tous.

Ceux qui alors voulaient me lancer à la cour disaient : « On est admis sans façon ; on y va en bottes. — Bien ! bien ! répondais-je, des bottes aujourd’hui, des bas de soie dans quinze jours. »

Tout cela n’a coûté qu’à ma curiosité, car, pour