Page:Béranger - Ma biographie.djvu/75

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vous ai dues ! Mais il fallut bientôt me consacrer à la tenue d’un cabinet de lecture, dont mon père fit l’acquisition[1]. Ce fut pour moi l’occasion de nouveaux embarras : il m’avait adjoint un cousin[2], joyeux garçon qui, pendant que je rimais et que j’écrivais au milieu des pratiques, en gardant le comptoir, dépensait à s’amuser une partie de nos petits bénéfices. Mon père reprit enfin l’établissement, devenu sa dernière ressource. C’était dans la rue Saint-Nicaise un soir[3] que je venais l’y retrouver, je faillis sauter à l’explosion de la machine infernale, qui m’eût assurément mis en morceaux, si elle eût éclaté quelques secondes plus tard.

Par un hasard singulier, peu de jours avant cette horrible catastrophe, M. de Bourmont, qui avait traité avec le gouvernement consulaire, l’abbé Rathel, homme qui vivait de conspirations royalistes, un nommé Charles, dont le nom de famille m’échappe, et deux ou trois individus du même parti avaient dîné chez mon père. Ce n’était cependant pas un conciliabule. Là, j’avais pu remarquer le peu d’accord qui régnait entre ces messieurs. M. de Bourmont semblait surtout inspirer de la défiance et du mécon-

  1. Rue Saint-Nicaise, au numéro 486 d’alors.
  2. Florimond Forget (V. la Correspondance, tome I, page 40, où il y a une lettre du père de Béranger relative à ce passage de Ma Biographie.)
  3. Le 3 nivôse an IX, à huit heures (24 décembre 1800).